Fenêtre sur l’école… en temps réel Isabelle Audet, La Presse

Qu’as-tu fait aujourd’hui ? Ça se passe bien, en classe ? Et puis, le résultat de ton examen de maths ? Fini les demi-réponses : des entrepreneurs d’ici et d’ailleurs ont conçu des logiciels qui permettent aux parents de faire un suivi à distance, et ce… jusqu’à plusieurs fois par jour.

Parmi ces outils, Class Dojo, une plateforme créée aux États-Unis. Le concept de l’application pour téléphones intelligents et tablettes est plutôt simple : l’enseignant sélectionne des habiletés à développer dans son groupe – persévérance, travail d’équipe, respect des consignes, etc. – et indique plusieurs fois par jour si ses élèves s’y conforment.

Ainsi, au fil de la journée, le profil de l’élève est mis à jour et accessible aux parents. « À tout moment dans la journée, je peux me connecter sur Class Dojo pour savoir ce qui arrive : a-t-elle perdu des points parce que toute la classe est trop bruyante, ou est-ce qu’elle respecte les consignes ? », explique tout d’abord Marie-Ève Gravel, mère d’une élève de deuxième année.

Une fois connectés au profil de leur enfant, les parents voient un personnage, et autour, un cercle. Si le cercle est complètement vert, c’est que tout va bien. Il est cependant possible qu’une partie de ce cercle soit rouge. Les parents peuvent alors voir où leur enfant a perdu des points.

Sam Chaudhary, cocréateur de Class Dojo, assure toutefois que l’intention derrière l’application est surtout positive. Avant de se lancer en affaires, l’entreprise a consulté des centaines d’enseignants.

« Nous leur avons seulement demandé quel était le problème le plus difficile auquel ils font face, poursuit M. Chaudhary. Et ce que nous avons constaté, c’est qu’ils deviennent épuisés par la gestion de classe. C’était un immense problème, et les outils dont ils disposaient étaient surtout négatifs, comme les feuilles de retenue », explique celui qui a aussi enseigné à l’école secondaire au Royaume-Uni, avant de tout quitter pour fonder son entreprise aux États-Unis, il y a quatre ans.

L’utilisation de Class Dojo par les enseignants se fait surtout de façon spontanée, et l’entreprise n’a que très peu de données sur ses clients au Québec. Les parents d’environ 35 millions d’élèves du primaire et du secondaire dans le monde ont toutefois des nouvelles de l’école au moyen de cette plateforme.

ECHO, UN PRODUIT D’ICI

Un ex-enseignant du Saguenay, Louis-Raphaël Tremblay, et son équipe ont aussi développé un logiciel de suivi ici, au Québec. L’outil ECHO compile des données sur le comportement de l’élève, mais aussi sur ses résultats scolaires. Le système analyse automatiquement la progression – et les défis – du jeune dans les deux sphères.

« Le parent est averti en temps réel de ce qui se passe avec son enfant, explique M. Tremblay. Ce qui est bien, c’est que chaque école peut aussi bâtir son propre système de règles. Ça englobe tout ce que le parent s’attend à savoir. »

L’entrepreneur pousse encore plus loin le concept. Il a ajouté un module d’intelligence artificielle au logiciel de base. Ainsi, un personnage intervient en ligne auprès de l’élève, en se basant sur son dossier. « La technologie qu’on utilise fait en sorte qu’il peut y avoir un dialogue en temps réel avec l’élève. L’interface lui parle, explique M. Tremblay. Il lui fait un écho en temps réel de ce qui se passe dans sa vie d’étudiant. C’est le premier outil au monde qui est capable d’analyser un parcours scolaire et qui peut construire un commentaire à partir de rien. »

Pas de phrases préprogrammées, donc. L’utilisation de l’intelligence artificielle permet une interaction plus fluide et cohérente, assure M. Tremblay.

Le programme ECHO n’en est qu’à ses débuts, mais déjà, deux commissions scolaires l’utilisent, au Saguenay et dans Lanaudière. Plus complexe, ce système demande une utilisation à grande échelle pour atteindre ses objectifs.

UN PEU, BEAUCOUP, TROP ?

Les outils comme ECHO ou encore Class Dojo présentent une interface si simple que les enseignants peuvent donner leurs impressions plusieurs fois par jour sur ce qu’ils observent en classe. Un outil d’émulation en classe… mais est-ce un élément de distraction à la maison ?

Marie-Ève Gravel admet que l’an dernier, elle était tentée de passer plusieurs fois par jour sur le profil de sa fille, pour vérifier à distance si tout se passait bien. Depuis, elle s’est ravisée.

« Au début, c’était nouveau pour moi. J’étais curieuse et j’y allais souvent. Mais cette année, j’y vais quand je reçois un courriel, une fois par semaine. Ça peut facilement devenir une obsession, mais comme ça va bien avec ma fille à l’école, je mets des limites », tempère-t-elle.

« Au début, les enseignants pensaient que cet outil allait créer un tollé, que les parents allaient réagir à la moindre chose, mais ce n’est pas arrivé, commente Louis-Raphaël Tremblay. Un parent qui n’a pas de nouvelles de l’école va se lancer sur la moindre information, mais un parent qui a plein d’informations va avoir le ventre plein… »

Et enfin, ajoute le créateur de Class Dojo, l’idée est de créer un dialogue entre les enseignants et les parents, peu importe l’outil. « Je crois que l’école doit aller plus loin que de noter la lecture, l’écriture et les mathématiques, croit Sam Chaudhary. Certaines habiletés sont incroyablement importantes pour que ces enfants aient du succès dans la vie : la persévérance, la résilience, le travail d’équipe, la curiosité… ces qualités, nous tentons de les développer à travers ce que nous faisons. »

 

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